Dans la collection de philofanfan 
Jacques Tardi, 1975 - Adèle Blanc-Sec (Les Aventures Extraordinaires d') : Le Démon de la Tour Eiffel - Y a un sapin qu'attend en bas... - - Planche originale
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1975 - Adèle Blanc-Sec (Les Aventures Extraordinaires d') : Le Démon de la Tour Eiffel - Y a un sapin qu'attend en bas... -

Planche originale
1975
Encre de Chine
Case-case : 40 x 28 cm - Verre musée
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Encadrement
Quatrième plat de l'édition originale de ' Le Démon de la Tour Eiffel' album publié chez Casterman en janvier 1976
Coiffure " bouffante " à la Gibson d'une élégante bourgeoise de la Belle-Epoque (1890-1914)
Symbole d'un Paris révolu et d'une époque disparue (celle du « moteur à crottin »), les fiacres (argotiquement dénommés sapins) et leurs cochers (les automédons ou les collignons)
Le cocher : Montez, bourgeoise, en ma voiture ; Mon cheval marche à toute allure.
La rue de Richelieu (1er, 2e arrondissements) pendant l'hiver 1904 - photo de Paul Schulz)
Locomotive type 230 du réseau de l'Etat furent un peu les « bonnes à tout faire » sur tous les réseaux où elles furent affectées
Carte postale : une pensée avec train et locomotive à vapeur vers 1911
Les chasse-roues empêchaient les anciennes voitures d’endommager les murs et portes cochères des maisons
Ces lourdes bornes replaçaient les véhicules hippomobiles dans « le droit chemin » afin qu’ils ne s’écartent pas trop de la « route ».
La rue parisienne au XIXe siècle et début XXe - Tableau 1 : La voirie parisienne et ses revêtements au XIXe siècle (hectares)
La rue parisienne au XIXe siècle et début XXe - Tableau 2 :  Le parc de véhicules parisiens, XIXe siècle.
Paris - La grande crue de la Seine (janvier 1910) : pavés en bois descellés et soulevés par l'inondation
A  partir  de  1907,  les  créateurs  de  mode,  pris  d’un  véritable  délire,  conçoivent  pour  leurs  riches  clientes  des  chapeaux  de  plus  en  plus  volumineux.
" La guerre des chapeaux " et se sont les plumassiers qui s'en donnent à coeur joie ! Face à ces dérives ostentatoires, bientôt  : des conventions sur la question de la " protection aux oiseaux ".

Description

Planche réalisée en 1975
Planche 15 extraite du Tome 2 " Le Démon de la Tour Eiffel " de la série Adèle Blanc-Sec (Les Aventures Extraordinaires d')

Commentaire


Résumé de l'album
(jusqu'à cette planche) :

Décembre 1911

Quelques semaines à peine après l'affaire du Jardin des plantes, Adèle Blanc-Sec a quitté sa maison de Meudon pour se réfugier dans un appartement en plein Paris. Là, entre ses bibliothèques garnies de livres et une momie qui dort dans sa vitrine, elle écrit des histoires de malfrats en méditant à la manière dont elle pourra bien se venger de ses deux anciens hommes de main - Albert et Joseph - qui l'ont trahie sans vergogne. Elle peut désormais compter sur un nouvel allié : Simon Flageolet, détective privé à ses heures et principalement aisé oisif, rencontré quelques temps plus tôt, et qu'un mystérieux commanditaire anonyme a missionné, dans l'épisode précédent, de retrouver le magot volé chez le banquier Mignonneau. Le magot en question dont tout le monde ignorait véritablement le contenu jusque là, résulterait en un seul et mystérieux objet : une antique statuette de Pazuzu, un démon assyrien. Pazuzu, qui par une coïncidence troublante est actuellement au centre d'une toute nouvelle pièce de théâtre racontant les derniers jours de Babylone. Le concepteur des décors, Jules-Emile Pessonier, est aussi un artiste peintre qui semble particulièrement obsédé par ce dieu barbare, au point de l'intégrer dans toutes ses toiles d'inspiration orientalisante. Tandis qu'Adèle et Flageolet suivent cette piste, d'autres faits concomitants semblent se rattacher à leur enquête : la disparition de plusieurs personnes sur le Pont Neuf et la propagation d'une épidémie de peste dans Paris.


La planche :


Jacques Tardi a toujours été un fervent défenseur du dessin narratif :
« – Qu’est-ce que vous aimez dessiner ?
Ce qui est propre à la bande dessinée : les personnages et les enchaînements. C’est-à-dire, cette espèce de mise en scène d’une situation avec l’impression que le flux d’images fonctionne. On comprend ce qui se passe, il n’y a pas de confusion possible. Ça doit être fluide. Si dans une action j’ai une belle image qui est là pour l’esthétisme, ça va attirer l’attention du lecteur et couper la tension qui peut y avoir d’une image à l’autre. C’est ça que j’aime : mettre en scène.»
Entretien de Jacques Tardi avec Vincent Genot et Laurent Raphaël, Le Vif, 10/11/2011

Ici, trois strips qui s'enchainent à merveille.

Trois cases dans ce premier strip où Tardi, avec brio, fait usage du champ-contrechamp. L'alternance se fait entre le gosse au chapeau melon, en amorce depuis le couloir devant la porte d'entrée de l'appartement de l’héroïne, puis ensuite avec Adèle, depuis l'intérieur de l'appartement. La technique est simple mais fichtrement exécutée avec des angles précautionneusement choisis.
Contrairement aux décors, les figures humaines, avec Tardi, bénéficient d'une simplification qui rompt totalement avec le réalisme. Les têtes sont stylisées : schématisation de la forme de la tête (visage anguleux chez Adèle), yeux perçants presque toujours mi-clos et le plus souvent illustrés d'un seul trait chacun (chez les femmes), ou à un point (chez les hommes), ou encore à une sorte de point d'interrogation de profil (absent sur cette planche), nez latéralisés pour les visages de face, effacement des lèvres, sauf de la lèvre supérieure chez les femmes, ce qui confère à Adèle sa célèbre moue boudeuse dénuée d'expressivité (elle parle la bouche fermée) et joliment adoucie par de ravissantes tâches de rousseur. C'est finalement avec la coiffure bouffante à la Gibson de son héroïne que Tardi se rapproche le plus d'un certain réalisme. Le gamin, lui, s'inscrit si bien dans l'univers de l'auteur que l'on a l'impression de l'avoir déjà croisé à chaque page de chaque album : avorton sans menton, flottant dans son costume noir et étranglé par un faux-col.

Puis, Tardi profite de ce que les personnages présents se rendent d'un lieu à un autre pour nous gratifier de ce somptueux deuxième strip. De faibles halos de lumière émanent des réverbères et de la lanterne du fiacre et viennent percer la nuit et découper les silhouettes d'Adèle, de l'homme au melon et du cocher en haut-de-forme. Les ombres sont exagérément foncées, les zones ténébreuses épaissies, l'horizon est bouché par d'autres silhouettes, celles d'immeubles ou d'arbres. Les pavés (pour l'occasion secs), le pont qui enjambe cette petite rue cahotante et déclive, la locomotive à vapeur qui émerge de l'obscurité, participent à cette merveille d'ambiance et d'alchimie.
Tout en donnant, dans l'ensemble, l'impression d'être détaillés, les paysages urbains de Tardi découlent d'un travail approfondi de synthèse, d'abréviation visuelle. En ne conservant que l'indispensable, en unifiant les irrégularité du réel, il donne aux décors une clarté et une intelligibilité supérieure en même temps qu'il génère une grande harmonie visuelle. Ici, les aplats noirs construisent une atmosphère de mystères et de secrets.

Le troisième strip, est le prolongement parfait du second. Il sert autant à ancrer les trois personnages dans un contexte et situer l'intrigue, qu'à utiliser leurs déambulations pour rendre hommage au pittoresque du lieu. Pas de Colonne Morris ici, ni de bouche de métro et encore moins de larges avenues bordées d'immeubles haussmaniens, ou de vues imprenables du Louvre : le quartier où fait halte "le sapin" est sans éclat, morne, avec ses petites maisons aux façades décrépies et ses portes closes. Le point focal - comme dans les deux strips précédents - est toujours au milieu de l'image, Tardi répugnant aux effets de plongée de contre-plongée qui, en ajoutant une touche de sensationnalisme, auraient probablement pour conséquence d'accroître une forme d'esthétisme qu'il cherche à tout prix à éviter. La planche se termine par un cliffhanger et un gros point d'interrogation qui en dit davantage sur l'expressivité de l’héroïne que cette nouvelle mine neutre. Tardi compte alors, une fois de plus, sur ses fidèles lecteurs pour qu'ils projettent la palette d’émotions qu'ils veulent y voir.

En n'hésitant pas à tremper sa plume dans l'encre la plus noire, Jacques Tardi parvient, là encore, à donner une ambiance unique : celle d'une ville mystérieuse et inquiétante où le crime est caché au détour d'une ruelle, et ce faisant, il laisse grandes ouvertes les portes de l'imaginaire.


Merci à toi enfin A. de m'avoir contacté et de m'avoir permis de réaliser cette acquisition.

Publications

  • Le démon de la tour Eiffel
  • Casterman
  • 01/1976
  • Page 17
  • Le Démon de la Tour Eiffel
  • Casterman
  • 10/2007
  • Page intérieure
  • Le Démon de la Tour Eiffel
  • J'ai Lu
  • 02/1988
  • Page intérieure

Voir aussi :   Adèle Blanc-Sec

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A propos de Jacques Tardi

Jacques Tardi est un auteur de bande dessinée et illustrateur français. Tardi est surtout connu pour Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, ses adaptations des romans de Nestor Burma et sa représentation directe et réaliste de la guerre.