Album "Les fées" - Illustration

Cette illustration de Ledroit révèle immédiatement sa maîtrise du contraste entre la délicatesse et l’étrangeté. Techniquement, la composition se construit autour d’un axe vertical très marqué : la créature descend en cascade comme un vitrail vivant, étirée par ses membres filiformes et ses voilures translucides. Les ailes, finement nervurées, témoignent d’un travail d’aquarelle ou d’encres très fluide, où les teintes orangées et rosées se superposent en glacis légers. Les contours plus sombres du corps, presque carapacés, créent un contrepoint qui donne du relief et ancre la figure dans une matérialité plus dense.

Le visage, hybride et lunaire, attire l’œil comme un masque cérémoniel. Ses yeux évoquent à la fois l’insecte et l’oracle, renforçant la dimension mystique du personnage. Ledroit joue ici sur l’ambiguïté entre l’humain et le faune, entre le sacré et le monstrueux. Les textures se mêlent sans rupture, ce qui donne à la figure une cohésion étrange, presque organique.

Poétiquement, cette créature semble naître d’un souffle incandescent : une fée-incendie, un esprit sylvestre surgissant au crépuscule. Les ailes, telles des pétales consumés par la lumière, donnent l’impression qu’elle s’effrite et se régénère à la fois. Son attitude recueillie, les mains jointes, apporte une douceur surprenante au sein de cet ensemble baroque. On croit entendre un bruissement, sentir une odeur de résine brûlée. L’illustration devient alors une apparition : une messagère fragile mais souveraine, issue d’un royaume où la beauté se confond avec l’inquiétant.

Signée par Ledroit