Dans la collection de MV9957
Jean-Christophe Chauzy, Rouge est ma couleur - Planche originale
1151 

Rouge est ma couleur

Planche originale
2011
Crayon
Crayon gras
24 x 32 cm (9.45 x 12.6 in.)
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Planche originale - mise en couleurs aquarelle
Edition Rivages
Edition originale
Crayonné gras et aquarelle

Inscriptions / Signatures

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Commentaire

Ma planche: La planche présentée fait partie de la seconde version de Rouge est ma couleur, version restructurée et amplifiée pour la nouvelle édition dans l’excellente collection Rivages/Casterman. Cet album est, à mon goût, avec La Vie de ma Mère, ce que Chauzy a produit de meilleur. Il y a une sorte d’accord parfait avec Villard avec qui il partage le goût pour la musique et la poésie.

Le Réalisme Poétique : Chauzy n’est ni cynique ni misanthrope (*1). Ses œuvres les plus abouties, que j’aime particulièrement (La Vie de ma mère, La Guitare de Bo Diddley, Rouge est ma couleur bien sûr, mais aussi la série Clara) sont parcourues d’une poésie de situations et de seconds rôles qu’on pouvait trouver dans le cinéma français des années 30-40, le cinéma du réalisme poétique et du fatalisme existentiel. D’une certaine façon Rouge est ma couleur est le lointain enfant putatif du Le Jour se lève de Carné-Prévert.

Le Néo-Polar : Chauzy aime la littérature noire et il n’est pas le seul à avoir mis en images des auteurs de talent de ce genre littéraire. Je pense évidemment tout d’abord au travail de Tardi sur Léo Malet (Nestor Burma) et Jean-Patrick Manchette (Griffu, Le Petit Bleu de la Côte Ouest, La Position du Tireur Couché, Ô dingos Ô châteaux), mais aussi, par exemple, à Cabanes sur Manchette encore (Fatale, La Princesse de Sang et Nada), ou à Teulé, Baru et Moynot sur Vautrin (respectivement Bloody Mary, Canicule, L’Homme qui assassinait sa vie).

Chauzy pour sa part a collaboré avec deux autres grands auteurs du néo-polar : Thierry Jonquet (La Vigie et La Vie de ma mère) et Marc Villard (La Guitare de Bo Diddley, Rouge est ma couleur). Les récits sont circonscrits aux quartiers nord de Paris et aux banlieues glauques, et ils s’inscrivent bien dans cette tradition d’une peinture noire, sordide, désespérante, peuplée d’êtres brisés et de loosers sans aucune chance de salut.

Son dessin colle à la peau de ce genre. Son dessin n’est pas léché, il est parfois comme brouillé ; il souligne les cernes, les rides, la décrépitude, les teints cireux et blêmes, la boursouflure ou l’avachissement des chairs ; les corps et les visages reflètent de façon très expressive toute la solitude, l’usure et la désespérance. Ce sont souvent presque « des morts qui marchent ». L’obscurité, la crasse, la dèche et les seringues sont parfaitement restituées. Sa palette de couleurs se restreint à quelques tonalités : le rouge, le bleu, le jaune pâle, le gris, et Chauzy en joue comme le ferait le metteur en scène de théâtre de façon à faire ressortir le caractère des scènes et des personnages. Chauzy ne colle pas au genre, il est le genre. Il est le peintre du naturalisme social de ces quartiers.

« … Mon Dieu, montrez-vous quand même,
Les jours de communion, les baptêmes.
Bénissez les robes blanches
Que les souillures un jour balayeront
Comme une avalanche.

Et la nuit dans les draps,
La seule chose qu'on veut pas, et qu'on craigne encore
Et qui nous glace d'effroi, c'est Banlieue Nord
On a beau tout faire,
Quand on remue la terre ça bouge encore
C'était Banlieue Nord
Et ça saigne encore. »

Gérard Manset / Banlieue Nord


C’est la partie de l’œuvre de Chauzy que j’aime énormément et qui me touche.

Une société acide : Par ailleurs, Chauzy s’est attaqué à l’exploration d’une seconde veine avec Un Monde Merveilleux, qu’il a poursuivie avec Petite nature : la mise en scène de soi d’une façon parodique, en ahuri blême, lâche et velléitaire. Dans la série Un Monde Merveilleux cet autoportrait caricatural n’est que le miroir déformant et grossissant du monde qu’il traverse et n’est donc que le prétexte à la mise en scène désabusée des rapports humains comme l’avait souligné Bédéthèque. De fait ces histoires ressemblent à la représentation épouvantable d’un cirque sordide, Jean-Christophe Chauzy endossant le rôle de l’Auguste ou du contre-pitre et faisant endosser à sa compagne celui du clown blanc. J’avoue que malgré le côté jubilatoire ce n’est pas spécialement drôle, sa vision noire de l’humanité prévalant. Dans les saynètes de la série Petite Nature, Chauzy met le focus sur la caricature de ses propres travers et faiblesses face à un monde qui le dépasse. Son dessin est raccord avec cette série publiée par Fluide Glacial, il se simplifie et devient franchement caricatural.

Ces styles de Chauzy, le noir et sa variante caricaturale, avaient été précédés par le style, dessin et couleurs, développé à l’époque de Peines Perdues, où il essayait de coller à l’ambiance bluesy des histoires racontées.

Chauzy a donc fait évoluer en permanence son style, sans aller toutefois jusqu’à se dédoubler (non, Gir/Moebius ne s’est pas réincarné dans le corps de Chauzy !). Il y a chez lui cependant des constantes, des invariants : une vision noire de l’humanité, une ironie mordante, et la musique : jazz, blues…

(*1) J’ai également acquis plusieurs dédicaces de Chauzy ; il y fait à chaque fois preuve d’une grande générosité, n’hésitant pas à mettre en scène de véritables saynètes, dessinées et coloriées.

Publication

  • Rouge est ma couleur
  • Casterman
  • 09/2011
  • Page intérieure

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A propos de Jean-Christophe Chauzy

Jean-Christophe Chauzy, est un auteur de bande dessinée et illustrateur français. Entre 1982 et 1990, il travaille régulièrement avec la presse rock indépendante. En 1988 il publie sa première bande dessinée chez Futuropolis. Il se consacre par la suite à la création de divers ouvrages et collaborations.