Dans la collection de Laerte 
Bastien Vivès, Martin Quenehen, Hugo Pratt, Corto Maltèse - Reine de Babylone - Couverture originale
620 

Corto Maltèse - Reine de Babylone

Couverture originale
2023
Encre de Chine
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Commentaire

Le génie ou la limite de Bastien Vivès tiennent à ce que - quand il s’attaque à Corto Maltèse - c’est du Vivès et pas du Pratt à l’arrivée.
Et j’aime beaucoup car, à l’instar du brillant trio Jaco Van Dormael-Thomas Gunzig- François Schuiten dans le Dernier Pharaon pour Blake et Mortimer, il ne colle pas à la paroi de l’œuvre mais arrive à s’en distancier pour mieux la renouveler.
Au respect muséal de Diaz Canales et Ruben Pellejero succède la dystopie de Bastien Vivès et Martin Quenehen. A la reproduction l’interprétation. Au classicisme le renouveau.
Du temps a passé depuis 1967 et la Ballade de la mer salée. Et la casquette de baseball a remplacé celle de capitaine de la marine marchande. Pour autant, les ressorts du roman picaresque sont toujours à l’œuvre et nous emportent aujourd’hui comme hier : trésors légendaires, rivalités politiques, femmes qui ne s’en laissent pas compter, coups de poing et de feu, voyages au long cours ici de l’Adriatique au Golfe Persique et des Balkans à Babylone, rencontres inattendues entre personnages réels et de fiction, sobriété du héros en contraste avec la verve de Raspoutine…

Au final, nous nous accorderons sans doute sur le fait que l’apport principal de Vivès et Quenehen tient à la place accordée aux femmes dans la vie de Corto, non plus mystérieuses et idéalisées de manière platonique comme chez Pratt mais sensibles et incarnées comme chez Vivès. Celui qui annonçait bravache dans un album "les femmes seraient merveilleuses si on pouvait tomber dans leurs bras sans tomber dans leurs mains", apparait aujourd’hui amoureux. D’une femme qui répond au nom de Sémira qui signifie en arable « conversation intime pendant la nuit ». Mais amour et aventure font rarement bon ménage et la nuit va tout recouvrir, comme sur cette couverture…
Avec ici un final tragique où Corto porte la femme qu’il aime et qui n’est plus, presque une Piéta inversée, avec la solennité d’un psychopompe tenant une dormeuse du val au creux de ses bras. Ce moment terrible où le corps est toujours là, encore un peu chaud, mais où l’âme s’est envolée ailleurs. Comme dans le magnifique poème de Victor Hugo, Booz endormi, quand celui-ci évoque son aimée décédée :
“Et nous sommes encor tout mêlés l’un à l’autre,

Elle à demi vivante et moi mort à demi.”

C’est alors toute la sensibilité du talent de Vivès que de savoir donner chair à ce type d’instant absolu

Merci à la galerie Manjari pour cette très belle exposition

Publication

  • La Reine de Babylone
  • Casterman
  • 10/2023
  • Couverture

Voir aussi :   Corto Maltese

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A propos de Bastien Vivès

Bastien Vivès est un auteur de bande dessinée français, né à Paris. Il est surtout connu pour ses romans graphiques et est également le cocréateur du manga français Lastman, lancé en 2013. Bastien Vivès est le chef de file d'une génération d’auteurs qui mêlent volontiers bande dessinée franco-belge, manga, animation, et jeu vidéo.