Il Pelegrino dalle braccia inchiosto

Couverture du roman d'Enrico Brizzi, Il Pellegrino dalle braccia d'inchiosto

Oui

Aux marges de l’existence:

Dans Stigmata (1998), Signatur Nr. 26 (vers 2007) et l’illustration réalisée pour la couverture du roman Il Pellegrino dalle braccia d’inchiostro (2014), Lorenzo Mattotti explore une figure humaine en dérive — un être silencieux, situé à la frontière entre spiritualité, marginalité et mémoire corporelle. Ces trois œuvres, très différentes en apparence, sont reliées par une même énergie souterraine : celle d’un corps qui ne raconte pas, mais qui porte et endure.

Dans Stigmata, le protagoniste est un homme ordinaire qui se met à saigner mystérieusement des mains et des pieds. Il fuit, se perd, s’abîme. Rien n’est expliqué. Loin d’une lecture dogmatique, le récit dessine une errance intérieure, marquée par la douleur et la résistance. Le trait est noir, griffé, vibrant. Mattotti dira plus tard :

« Je voulais dessiner ce que le corps ne dit pas, mais ce qu’il subit. »

Signatur Nr. 26 prolonge cette exploration, mais dans un langage encore plus silencieux. Cette série montre des personnes sans abri, couchées, pliées, presque effacées, souvent accompagnées d’un chien. L’animal, loin d’être anecdotique, devient miroir ou double. Il incarne une présence fidèle, inquiète, primitive — ce qui reste quand tout le reste a disparu. Comme l’écrit Jean-Pierre Naugrette dans Sillages Critiques :

« Les chiens de Mattotti ne sont pas simplement compagnons ; ils incarnent la tension constante entre survie et humanité. »

Les scènes sont baignées de couleurs acides, les perspectives déformées. Chaque image semble flotter entre hallucination et lucidité. Rien n’est narratif, tout est évocation.

L’image du Pèlerin aux bras d’encre complète ce triptyque. On y voit un homme seul, gravissant un paysage montagneux et abstrait. Ses bras et son dos sont couverts de tatouages — autant de marques, de récits, de fragments de mémoire. Il avance sans direction précise, dans un décor aussi instable que son identité. Son chemin est une métaphore : il ne mène pas vers un lieu, mais vers une forme d’acceptation.

Ce ne sont ni des héros, ni des victimes. Ce sont des habitants de la marge, dessinés dans cet entre-deux fragile entre la disparition et la persistance, entre l’instinct et la mémoire.

Ils ne parlent pas. Mais on les reconnaît tout de suite.