1984 - Un été indien : All'armi... All'armi, sono gli indiani !

Planche réalisée en 1984
Planche 115 d'Un été indien
Pré-publiée en Italie, sous le titre "Tutto ricominció con un'estate Indiana", dans le magazine Corto Maltese n°17 de février 1985 et, en France, dans le magazine Corto n°8 du 20 mai 1986.
Un été indien recevra en 1987 l'Alfred du meilleur album étranger du festival d'Angoulême

Entrée en matière :

En 1983, Hugo Pratt et Fulvia Serra lancent dans les kiosques italiens Corto Maltese, un nouveau périodique de bande dessinée. Le premier, naturellement, en est la figure de proue, tandis que la seconde en assure la direction éditoriale. Afin d'enrichir les pages du mensuel, le créateur du célèbre marin fait appel à quelques-uns de ses confrères et amis, parmi lesquels Milo Manara. Les deux hommes, qui se connaissent depuis une dizaine d'années, s'apprécient et s'admirent. Grâce aux conseils de son aîné, Manara s'est fait un nom dans l'univers des fumetti, notamment avec ses séries Les Aventures de Giuseppe Bergman à partir de 1978, et surtout avec Le Déclic dès 1983. Lorsque Pratt lui propose de dessiner pour lui Tutto ricominciò con un'estate indiana, le cadet s'exécute avec enthousiasme. Les 144 pages de cette histoire, qui seront rassemblées en album en 1986 en Italie et l'année suivante en Belgique et en France, paraissent entre octobre 1983 et mai 1985 dans les vingt premiers numéros de Corto Maltese.

Un récit de 144 planches toutes composées au format de 68 cm sur 49 et systématiquement sur trois strips.

Une magistrale scène d'ouverture de neuf pages (dont quelques unes sont visibles sur ce site), sans le moindre texte, plante le décor : sur une plage déserte de la côte Est de l'Amérique du Nord, une jeune fille est violée par deux Indiens. Un colon, arrivé peu après le crime, abat les Peaux-Rouges et ramène la fille chez lui pour la soigner. Cet événement déclenchera une réaction en chaîne conduisant à l'attaque des natifs sur la maison des Lewis - la famille du sauveur de la jeune fille -, puis sur le village de New Canaan. Viols, incestes, meurtres et massacres vont ainsi se succéder durant les 48 heures que dure cette aventure, qui met en scène, sans concessions, l'existence de cette petite communauté de colons drapée dans son puritanisme hypocrite.

Première collaboration entre les deux Italiens (l'excellent El Gaucho suivra en 1991), Un été indien est pour Pratt l'occasion d'explorer, une fois de plus après Ticonderoga et Fort Wheeling, les thèmes des débuts de la colonisation de l'Amérique et des premières guerres indiennes. Distillant des références à James Curwood et Nathaniel Hawthorne, il signe un récit violent et dérangeant, mais non dénué de poésie. Aux pinceaux, Manara démontre toute l'étendue de son talent, non seulement dans les nombreux dessins de femmes nues, mais aussi - et surtout - dans tout le reste.

La planche :

Elle fait justement la part belle à... tout le reste.

NB : La planche 116 (la suivante) est visible sur ce site dans la délicieuse galerie de Suphermann
https://www.2dgalleries.com/art/un-ete-indien-p116-48056

Mes plus chaleureux remerciements à son ancien propriétaire.