Kiwi il figlio della jungla est une série
tarzanide créée par
Hugo Pratt et
Giancarlo Ottani pour la revue italienne
Radar de l'éditeur Angelo Fasani.
Le premier récit
Gomo il vecchio veggente (traduit en français en
Chaka le sorcier) est publié dans le n°31 de
Radar le 22 novembre 1963. Mais dès la septième planche de ce premier épisode, c'est Stelio Fenzo qui prend le relais de Pratt au dessin (cf.
images additionnelles), lequel n'a dessiné que six planches de cette série. À cette époque, Hugo Pratt est bien occupé par son travail pour le
Corriere dei Piccoli et ses nombreux voyages à travers le monde. Fenzo raconte simplement cette transition dans le livre "Je me souviens de Pratt" (éditions Mosquito, 2013) où il cite Hugo Pratt :
Allez, Stelio continue cette histoire, s'il le faut, ta femme Loredana t'écrira les textes, moi, je m'en vais !
Stelio Fenzo reprend également deux autres séries d'Hugo Pratt peu de temps après :
Capitaine Cormorant (sous le nom de
Capitaine Moko) en 1964 et
L'Ombre en 1966. Il réalisera même plus tard le story-board d'un film
Corto Maltese qui ne verra finalement pas le jour. Fenzo dessine
Kiwi jusqu'en 1968, ce récit du
Prince de Kano est donc un des derniers de la série. Il semble que ces derniers épisodes aient été spécialement commandés par l'éditeur
Aventures & Voyages, au vu du lettrage réalisé en français par l'éditeur, comme cela était déjà arrivé pour des épisodes de
Capitaine Moko.
Toujours dans le livre "Je me souviens de Pratt", Fenzo relate une rencontre entre Bernadette Ratier, patronne des éditions
Aventures et Voyages, et Hugo Pratt, bien des années plus tard et qui montre à quel point Fenzo s'était fondu dans le style du maître. Ratier disant au créateur de
Kiwi :
Non, vous n'êtes pas Pratt, je veux l'autre, Stelio Fenzo, c'est lui Pratt !
L'histoire suit les aventures de
Kiwi, un jeune métis fils d'un prince arabe, abandonné, qui vit dans la tribu des
Warundi (qui existe réellement), en Afrique noire. Il a pour compagnon son frère de lait, le lion
Arek et joue le rôle de justicier de la jungle. Dans ce récit, les lieux nommés sont réels et précis. Dans cette double planche, Tubuk parle d'un rendez-vous aux bouches du fleuve Niger (au sud de l'actuel Nigeria) alors que le ville de
Kano existe bel et bien (au nord du même pays) et a été longtemps une cité-état florissante. Ce respect des lieux, costumes et traditions est confirmé par un édito du n°5 de la revue
Sgt. Kirk (cf.
images additionnelles), qui republie les récits de
Kiwi à partir de ce numéro de 1967 :
Bien que Tiki agisse dans des territoires (d'ailleurs identifiables par les noms de races et de tribus) les plus variés et très éloignés les uns des autres, l'aspect graphique des peuples qu'il rencontre est cependant rigoureusement sincère. Le bémol qui pourrait cependant être fait concerne l'extrême facilité avec laquelle on passe, par exemple, d'une tribu Bambuti, qui vit dans le Haut Congo, à une tribu Tutsi située à quelques milliers de kilomètres plus à l'est.
La série
Kiwi est vite reprise en France par les éditions
Aventures et Voyages, qui la publient dans la revue
Lancelot, dès 1964, en série secondaire. Il semble donc, comme dit plus haut, qu'à l'épuisement des épisodes réédités, il en ait été commandé de nouveaux spécialement pour la France, au moins à partir du
Lancelot n°70 d'août 1967. Ces derniers épisodes ont ensuite été publiés assez doucement, entre fin 1967 et début 1969 ; la revue étant devenue trimestrielle à partir du n°73.
La série est ensuite rééditée, toujours par
Aventures et Voyages, dans
Safari, de 1976 à 1983. La couverture de la réédition, réalisée par Paolo Ongaro, reprend d'ailleurs le moment de la rencontre entre
Tiki, Arek et
Tubuk, décrit dans la double planche (cf.
images additionnelles).
La série est éditée en France sous le nom de
Tiki et non
Kiwi sans doute à cause d'une série humoristique du même nom qui existait déjà aux éditions Lug, dessinée par Jean Cézard. Ce n'est pas le seul problème de nom que connaît la série puisque qu'elle aurait dû initialement s'appeler
Moko, nom qui a été donné par erreur à la série
Capitaine Cormorant lors de sa première réédition en Italie dans
Radar. Pour ajouter à la confusion, une série
Tiki est créée par Berardi et Milazzo en 1976 en Italie.
Il y a deux scénaristes de la série, Giancarlo Ottani qui a écrit plusieurs épisodes au début, avant que la femme de Fenzo,
Loredana d’Este, ne prenne le relais. Celle-ci réalise aussi le scénario de la suite du second épisode de
Capitaine Cormorant en 1968. Il est probable que cela soit cette dernière qui ait écrit le scénario de cet épisode de 40 planches, même si elle n'est pas créditée. Fenzo, lui, signe par son prénom en première page du récit avec l'année de création (cf.
images additionnelles).
Ce n'est pas la seule série
tarzanide dessinée par Stelio Fenzo puisqu'il réalise notamment l'érotique
Jungla, sa série la plus connue, sur des textes de Paolo Trivellato en 1968,
Koko (traduit en
Bwana Simba) scénarisé par Giuseppe Pederiali en 1976, et surtout
Simba il figlio del fiume (traduit en
Simba fils du fleuve) sur des scénarios de Loredana d’Este en 1978. Cette dernière série rappelle très fortement la série
Kiwi, jusque dans le physique du personnage principal, accompagné par un lion.
Ces planches très "Prattiennes" m'ont bluffé : le lion, le guerrier sont très aboutis, très proches du style de Pratt... Pour la petite histoire, je ne suis pas le seul à le penser. C'est en lisant
Kiwi, et semble-t-il les épisodes français également, que l'homme d'affaires gênois
Florenzo Ivaldi, amateur de bande dessinée, a voulu rencontrer Fenzo pour discuter avec lui :
De nombreuses fois, il [Ivaldi] est venu me rendre visite au Lido [quartier de Venise] , et m'apportait, des réimpressions de ces récits dans d'autres langues.
Une des rencontres a lieu au printemps 1967 à Venise, Loredana d'Este est présente, Ivaldi confie aux époux qu'il aime le trait de Stelio Fenzo, qui lui rappelle un auteur qui le fascine : un certain Hugo Pratt. Fenzo va alors jouer le rôle d'entremetteur en proposant une rencontre le jour même entre Ivaldi et Pratt, qui pour une fois est à Venise. De cette rencontre (dessinée en 4 planches par Fenzo,
cf. images additionnelles) découle la création de la revue
Sgt. Kirk dans laquelle naît un certain
Corto Maltese...