Wonder Woman, l'héroïne du futur

30 juin 2016,  par  William Blanc

 

Effectuant sa première apparition dans All Star Comics #8, Wonder Woman n'est ni la première ni la seule super-héroïne à voir le jour au début des années 1940, en plein "âge d'or" des comics.

Mais très vite, elle va s'imposer, non seulement en terme de ventes, mais aussi dans les mémoires. Aujourd'hui, peu se souviennent des Phantom Lady, Black Angel, Black Cat, Pat Patriot, Liberty Belle et autres super-héroïnes des premiers temps (évoquées par Mike Madrid dans son livre The Supergirls).

 

Dans les comics de l'âge d'or dépeignant Wonder Woman, les hommes, y compris les militaires, sont généralement sans défense et ne sont sauvés que par l'intervention de l'héroïne au lasso. Une belle inversion des codes des comics qui mettent généralement en scène des femmes sans défense protégées par des super-héros masculins.

 

Ce succès s'explique sans doute par la personnalité du créateur de l'amazone au lasso. William Moulton Marston se démarque en effet des autres auteurs de comics.

La plupart de ces créateurs sont jeunes, issus de quartiers populaires et de familles récemment immigrées (à l'instar des deux inventeurs de Captain America, Joe Simon et Jack Kirby, dont parlions ici sur le site 2dgalleries.com). Marston, au contraire, est d'origine WASP, relativement âgé (il est né en 1893 et a près de 50 ans en 1941) et titulaire d'un doctorat en psychologie.

Si Marston s'intéresse au comics, c'est donc avant tout en tant que psychologue.

Pour lui, ces publications largement diffusées peuvent influencer les jeunes lecteurs. Et justement, il a un message à faire passer ! 

S'inspirant sans doute de l'opposition entre les concepts d'éros et de thanatos (pulsion créatrice et pulsion de destruction) créés par Sigmund Freud dans les années 1920 suite à ses observations sur les vétérans de la Première Guerre mondiale, le psychologue américain pense en effet que deux mondes s'opposent à travers la puissance féminine créatrice et son pendant masculin destructeur.

Si ce dernier a longtemps été, pour Marston, le moteur de l'Histoire, il est convaincu que les femmes finiront par triompher et imposer une société pacifiée. Il le dit lui-même dans plusieurs interviews retrouvé par Tim Hanley dans son livre Wonder Woman Unbound. En 1937, il explique ainsi au New York Times que "le prochain siècle verra le début d'un matriarcat américain – une nation d'amazones." avant d'affirmer en février 1942 au magazine Tomorrow que "le futur appartient aux femmes."

 

Moulton Marston William (scénario), Peter Harry G. (dessin), Wonder Woman #7, hiver 1943. Dans cet épisode, Wonder Woman voyage dans le futur où les femmes règnent sur les États-Unis. L'une d'entre elles est même élue présidente.

 

C'est exactement le propos de Wonder Woman. Celle-ci vient d'une île et débarque aux États-Unis, convaincue que son influence féminine pourra aider la démocratie américaine (on retrouve là au passage le discours typique de la gauche américaine qui voit le migrant comme une chance).  

Car la jeune nation est menacée par les nazis manipulés par Arès, le Dieu de la guerre, véritable représentant du thanatos freudien, qui cherche à détruire et à asservir l'humanité. Face à eux, Wonder Woman ne s'appuie pas sur une armée d'hommes.

En effet ceux-ci, à l'image de Steve Trevor (militaire sauvé par l'héroïne au lasso) sont généralement dépassés par les événements. Au contraire, Wonder Woman est aidée par un  groupe de jeunes femmes recrutées dans une université, les Holiday Girls, qui apparaissent dès le numéro 2 de Sensation Comics (février 1942). 

 

Les Holliday Girls (et Etta Candy, accroupie sur la case de gauche) en pleine action. Ce type d'original est rare.  Comme l'explique le membre de 2dgalleries.com Jmc, "À la fin des années 50, DC décide de détruire tous ses originaux ! De bons samaritains découperont ces planches et cachées sous le manteau, les sauveront de la crémation !" Notons néanmoins qu'après vérification, ce strip n'est sans doute pas tiré de Sensation comics #83, mais d'une autre publication de l'âge d'or

 

Parmi elles, Etta Candy se démarque. Non seulement elle est la plus active du groupe, mais son physique et son obésité affichée s'éloignent de la représentation féminine standard dans les comics. On peut également remarquer que ces aventures de Wonder Woman de l'âge d'or (dessinées par Harry G. Peter sur lequel nous avons très peu d'informations) mettent en scène une super-héroïne avec un physique relativement banal. Nous sommes ici bien loin des représentations plus récentes (comme celle de Mark Texeira) qui s'inspirent largement de l'imagerie pulpeuse des pin-up.

En effet, Marston ne voulait pas faire de son personnage un réservoir de fantasmes adolescents. Il souhaitait au contraire affirmer que les forces féminines de l'amour, appuyant la démocratie, allaient finir par triompher de la brutalité masculine dictatoriale.

Un projet qui l'amènera, comme nous le verrons dans un prochain article, à orienter ses récits d'une manière totalement originale.

 

Vous pouvez retrouver les oeuvres originales relatives à Wonder Woman sur le site 2dgalleries.com à cette adresse.

William Blanc

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