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Ticonderoga par Gisela Dester, Hector Oesterheld, Hugo Pratt - Planche originale
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Ticonderoga

Planche originale
Encre de Chine
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Gisela Dester
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Ticonderoga – scénario Oesterheld et Hugo Pratt – dessin Gisela Dester (Frontera et Frontera extra 1957-1962) :

En 1957, Hugo Pratt et Hector Oesterheld décident de lancer une nouvelle série pour un nouveau magazine lancé par Oesterheld, Frontera. L’histoire se passe en Amérique du nord au XVIIIème siècle, période historique qui a toujours intéressé Pratt. Pratt participe au scénario de certains épisodes, il trouve le titre de la série (il s’agit d’un poème de Stevenson et le nom d’une bataille entre français et anglais en 1758 (De l’autre côté de Corto). A cette période, Pratt travaille beaucoup et réalise des centaines de planches, il a besoin d’aide et se fait assister par une jeune fille, Gisela Dester, qui fait de nombreux décors pour Ticonderoga. Pratt tombe follement amoureux de Gisela.
En 1959, Pratt quitte l’Argentine et va à Londres ( il y restera un an et reviendra ensuite en Argentine avant de quitter le pays en 1962). Gisela Dester, reprend la série, dans l’esprit de Pratt. L’intégralité des planches (dessin H. Pratt et G. Dester) est repris dans Ticonderoga, édité en 2004 par « Bibliotheca Clarin de la Historieta » à Buenos Aires.

La planche présentée est la première planche du 3eme épisode dessinée par Gisela Dester en 1959. Il s’agit d’une planche remontée pour la réédition de l’album. Les 3 principaux personnages de la série : Ticonderoga, Caleb et Numokh sont présents sur cette planche mais, en faisant la comparaison avec la première version publiée, on peut vraiment déplorer le découpage de certaines cases et du visage de Numokh en particulier (bas de planche).

Cette planche va me permettre de revenir sur la relation Hugo Pratt-Gisela Dester. En 1955, lors de leur rencontre, Pratt est mariée à Gucky Wogerer avec qui il a eu 2 enfants mais ne s’entend plus avec elle. Avec Gisela, Pratt va vivre une passion intense pendant 5-6 ans. Et son départ à Londres marque une rupture dans sa vie sentimentale.

Une première version par Hugo Pratt répondant aux questions de Dominique Petitfaux :
« Quand elle (Anne Frognier) était petite, ma vie sentimentale était dominé par Gisela Dester. Je l’ai rencontré en 1955. Mon travail marchait si bien que j’avais besoin de quelqu’un pour me seconder, et par l’intermédiaire d’un professeur de dessin dans une école j’ai fait la connaissance de Gisela Dester, qui est devenue mon assistante. Entre elle et moi, ce fut le grand amour. Quand on était ensemble, il m’arrivait de la regarder et de la trouver si belle que j’en oubliais le travail à faire. »
De l’automne 59 à l’automne 60, je fais une longue escapade (à Londres). Il y a à cela différentes raison. D’abord, je m’entends de moins en moins avec mon scénariste Hector Oesterheld… enfin, je veux faire le point sur ma relation avec Gisela Dester. Depuis 4 ans, j’ai avec elle une relation intense, belle, et douloureuse…
Même à Londres, je continue à l’attendre mais ne reçois qu’une lettre avec une mèche de cheveux. Pendant ce séjour, ma vie sentimentale n’est cependant pas vide, elle est remplie par une jeune américaine Patricia Frawley….J’avais l’esprit occupé à la fois par Patricia Frawley et par Gisela Dester, si bien que lorsque je quitte Londres en septembre 1960, je passe d’abord par Wheeling…je ne suis resté à Wheeling que quelques semaines parce que je voulais renouer avec Gisela Dester , voir où nous en étions de notre relation….Mais, comme avec Patrica Frawley, mes relations étaient dans une impasse, également en partie à cause de sa famille. En 1962, il semblait toujours ne pas avoir de solution. J… je me suis alors senti un peu perdu et j’ai éprouvé le besoin de tourner la page. Je venais aussi de nouer une relation très complice avec Anne Frognier. Et en septembre 1962, en compagnie du jeune dessinateur Walter Fahrer, je me suis embarqué pour l’Europe.
« Le désir d’être inutile » – Hugo Pratt-Dominique Petitfaux.
Un autre témoignage, dans « Avant Corto » montre encore plus l’intensité des sentiments d’Hugo Pratt à l’égard de Gisela Dester :
« Mais ce fut en 1955 que je connu Gisela Dester… Je passais les journées avec Gisela. On travaillait ensemble alors, j’étais de plus en plus amoureux et c’est aussi pour cela que je ne voulais pas tout mélanger.
Un bel amour, merveilleux. Mais déjà plein de problèmes avec sa famille si hostile à notre histoire. Des Allemands durs, des saxons. Ils me toléraient tant que je donnais du travail à leur fille mais rien de plus. C’était des allemands du genre : « Ordnung, ordnung, ich liebe dich…. » Si j’avais été dans les bougies Bosch ou dans le secteur boulons, même simplement secrétaire d’un Herr Direktor de Fabrik, ils m’auraient peut-être accepté en famille pour chanter ensemble « Ordnung, ordnung, ich liebe dich…. ». Mais j’étais dessinateur, divorcé et italien. La mère devenait folle à l’idée que sa fille puisse vivre avec moi. De toute façon, je continuais à espérer. Nous passions toutes nos journées ensemble à travailler, je m’attendais toujours à ce qu’elle finisse par prendre ses affaires et quitter sa famille pour rester avec moi. Je l’attendais comme quelque chose qui aurait pu arriver d’un jour à l’autre.
Je l’attendais constamment. Même à Londres, longtemps après. Je lui avais préparé une maison et je l’attendais. A la fin, au contraire, une lettre arriva avec une mèche de cheveux blonds. Je me retrouvais à Londres avec une lettre qui me brûlait au fond de la poche. C’était donc aussi pour Gisela que le soir je m’enfermais et n’ouvrais plus à personne. Je faisais semblant de ne pas être là, j’étais mort de sommeil et plein de boisson. Je n’en avais plus rien à faire qu’ils fussent venus avec le vent ou sous la pluie. Je cherchais à me défendre de ces hallucinées nocturnes de ces vampires, murciélagos fous. »
« Avant Corto » – Hugo Pratt
« A cette époque, il était fou d’une jeune Allemande, Gisela Dester, à qui il enseignait aussi le dessin. Son père était surement un ancien nazi. Pratt m’avait dit qu’il dormait avec un colt sous son oreiller car il craignait que ce gars ne vienne le tuer ! » « - Hors-série n5 - Bo-Doï - Walter Fahrer »

"Le Hugo Pratt de 1962 avait des cicatrices... L'adieu à l'Argentine a d'abord été l'adieu à Gisela Dester, et encore aujourd'hui il m'est difficile de parler d'elle. ..Je dirai simplement qu'à un certain moment de ma vie Gisela Dester a représenté tout pour moi." "Le désir d'être inutile - Hugo Pratt - Dominique Petitfaux"

On sait que Pratt s’est souvent servi de ses connaissances personnelles pour créer les personnages féminins. Comme le pense Dominique Petitfaux, on peut supposer que Gisela se retrouve dans le personnage de Pandora, riche héritière qui n’appartient pas à la même classe sociale que Corto et qui ne fera pas sa vie avec. Rappelons-nous le dialogue de la fin de la ballade :
« - He , mais comme tu es belle, tu me fais penser à une valse que j’ai écouté à Buenos Aires.
- Il y avait peut-être quelqu’un qui me ressemblait ?
- Non, c’est justement parce que tu ne ressembles à personne que j’aurai voulu te rencontrer toujours…n’importe où »

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A propos de Gisela Dester

Gisela Dester est une dessinatrice de bd petits formats . Elle à travaillé avec Hugo Pratt. Nous trouvons une partie de son oeuvre sur les épisodes - Ticonderoga (Apaches)

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