Marsupilami - Tome 3 "Mars le Noir" planche 35

Signée (en bas à droite)

Voici une planche du Tome 3 du Marsupilami, l’une des BDs qui marqua ma jeunesse, ma génération et passionne encore des centaines de milliers de lecteurs!
Une œuvre magistrale comme celle-là mérite bien un petit commentaire, alors voici quelques lignes consolidées à partir des interviews de Batem, Yann,... (et beaucoup d’autres grands noms de la BD) réalisées pour la galerie Maghen en 2022.

BATEM, FRANQUIN ET LE MARSUPILAMI:
Fils spirituel d’André Franquin, Batem, fut l’ultime élève du maître. Le créateur de Gaston Lagaffe lui a transmis l’art du dessin et de la narration, sans compter une profonde amitié qui a grandi entre ces deux hommes talentueux.
En 1987, une nouvelle structure éditoriale apparaît : Marsu Productions. Franquin demande à Batem de dessiner les futurs albums du Marsupilami. Il ne lui faut que quatre mois pour le premier tome « La Queue du Marsupilami », scénarisé par Greg et storyboardé par Franquin lui-même. Le succès est immédiat et Batem n’a que 27 ans!

D’album en album, le jeune talent progresse grâce au maître, très attentif à l’évolution de son dessin et de la narration. Le dessin de Batem est précis, incroyablement vivant. Il possède une maîtrise du geste qui donne à ses traits, ses arabesques et autres courbes, une élégance incomparable. Le trait est juste, net et heureux tel un Franquin, un Uderzo ou un Roba. Les personnages sont vivants, truffés de détails très étudiés avec toujours beaucoup d’humour.
Enfin il a ce sens de la couleur comme pouvait l’avoir le grand Morris. Batem est l’un des dignes héritiers de l’âge d’or de la Bande Dessinée franco-belge.

MARS LE NOIR, UN ALBUM MYTHIQUE:
Le tome 3 intitulé “Mars Le Noir” est l’un des monuments de la saga du Marsupilami. C’est le premier des 6 albums scénarisés par Yann. Lorsque l’album sort, Batem à seulement 29 ans mais il se rappelle la création de ce 3ème album comme si c’était hier : « J’ai attaqué cet album dans la propriété varoise de Franquin, à Callian. Nous avions nos tables à dessin côte à côte. J’y étais descendu avec femme, enfants, chien et découpage de Yann. Son scénario est excellent, car le Marsupilami y est omniprésent. »

Cette planche met en scène la première rencontre (qui tourne très vite à l’affrontement) entre le Marsupilami et Mars « Le Noir ». On voit ici le fragile monotrème monochromatique en mauvaise posture. Il est orphelin de Noé, son gentil dresseur du cirque Zabaglione, et de la civilisation.
Perdu dans une forêt vierge dont il ignore les codes : il mange des fruits vénéneux, essaye de séduire la Belle du Marsupilami… Tout cela lui vaudra quelques déconvenues.
Sa façon de marcher, dos des mains au sol, comme un gorille, lui donne un air de primate tout en révélant son abattement. Dessiner un personnage complètement noir comme Mars demande de la maestria, puisqu’ils exigent des reflets pour prendre du volume. On voit ici un excellent exemple de cette maîtrise.

UNE COMPOSITION REMARQUABLE:
Un des talents indéniables de Batem est son sens de la composition. Ses pages et ses cases offrent une limpidité de lecture visuelle, marque des grands de la BD. La progression de l’histoire est parfaite et les situations sont toujours intelligibles. Il n’y a rien de plus difficile que de dessiner une forêt touffue sans noyer les personnages et rendre la narration confuse. Batem n’hésite pas, à l’instar de Franquin, à limiter ses décors à un trait fin, discret voir une silhouette pour donner la priorité à ses personnages et à l’action (comme on peut le voir sur les cases 1,2,3). Sur les cases suivantes (4,5,6,7,…), qui laissent place à la narration, on retrouve la végétation luxuriante dont Batem a également le secret.

Yann se rappelle que « Franquin et Batem avaient tout pour s’entendre ; ils cherchaient tous deux à distraire le jeune lecteur, à l’amuser, le faire rire… mais, surtout, à le faire rêver. Assister à une séance de découpage d’une page d’un épisode du Marsupilami par André et Luc, c’était constater la complicité spontanée dans l’art de la gestuelle créative, la recherche du cadrage le plus efficace, de l’attitude la plus expressive et de la grimace qui fait mouche ! Un vrai bonheur ! ». Cette planche en est un excellent exemple !

Note: après avoir analysé la planche sous tous les angles, regardé dans tous les sens, observé dans les moindres recoins et sous toutes les coutures… un seul mystère reste pour moi non élucidé: quel est le sens de cet oiseau noir qui fait demi-tour en case 4 ?!?!