Hugo PRATT - Corto Maltese - Strip Tango

Strip de 3 cases de l'album Tango, paru initialement sous le titre "Y Todo a media luz".
Première parution en décembre 1985 dans la revue italienne "Corto Maltese" (n°12, année 3)
Le strip est de dimensions : 46 x 15 cm, à l'encre de chine (principalement) et au feutre ( un tout petit peu !).

Le personnage de Paso Viola Farias Gomez qui apparait dans la première et dernière case est une des "femmes de Corto Maltese" dans l'ouvrage de Michel Pierre. Son visage en 3eme case est d'ailleurs repris dans ce livre, sur la couverture de "femmes" et sous forme de carte postale, il est emblématique de ce personnage. Le visage de Corto en deuxième case est choisi comme représentatif de l’album Tango dans le hors-série « Histoire » de juillet 2013.
« Y todo a media luz » (en référence à un tango célébre chanté entre autres par Carlos Gardel) ou « Tango » est l’épisode de Corto Maltese qui permet à Pratt de revenir sur sa période argentine, la période qu’il nomme « de maturité » et qu’il raconte dans de nombreux ouvrages et interviews (« Avant Corto », » De l’autre côté de Corto », « Pratt 50 », divers entretiens…)
« Tango : C’est un hommage à Bueno Aires et à l’Argentine, où j’ai longtemps vécu. En Argentine, j’ai eu de vrais amis, et ce pays a été important pour ma formation » (« De l’autre côté de Corto – Pratt-Petifaux).
Sur la beauté des femmes argentines : « Le mélange afro-hispano-indo-judéo-russo-italo-germanon-turco-franco-anglo-gallois a donné un résultat splendide. La femme argentine est certainement l’une des plus belles femmes au monde et le tango l’accompagne, complice, dans sa déambulation oisive devant les magasins à la mode de la rue Florida. » Postface Tango-Hugo Pratt
Dans ce strip, le dialogue est savoureux. On retrouve Hugo Pratt, comme Corto Maltese, séducteurs et près à tomber dans les bras de superbes femmes. Le dessin apporte juste ce qu’il faut de subtilité. Les regards se croisent, plein de sous-entendus…
Hugo Pratt a vécu au début des années 50 ce qu’il dessine dans cet épisode en 85. Il a fréquenté de nombreux bars à Tango, rencontrés de merveilleuses métisses, chevauché en Patagonie, rencontré des personnages au passé plus que douteux,…. La part mis par Hugo Pratt dans le personnage de Corto Maltese et dans ses aventures prend toute sa dimension dans cet épisode.
Et Hugo, comme à son habitude, mêle la réalité à la fiction. Ainsi, la fille de l’armée du Salut, la petite fille de Haban qui sauve la fille de Louise Brookszowyc se nomme Paso Viola Farias Gomez. Hugo Pratt a-t-il connu le Lieutenant Farias Gomez ? On peut s’interroger. En effet, on retrouve ce nom par deux fois dans ses entretiens avec D. Petitfaux, sur l’initiation au tango (tiens donc !) et à la guitare. Enfin, dans « Avant Corto » qui relate sa vie en Argentine, Pratt dessine un certain Faria Gomez.
« J’ai été initié au tango par la famille Farias Gomez. La mère le chantait à la manière de Susanna Rinaldi. … Je fréquentais les bars à tango,… Tout le monde s’habillait bien. Les filles portaient leurs plus belles robes, les garçons avaient de la brillantine dans les cheveux. Moi-même il m’est arrivé quelquefois de mettre de la gomina. … C’est là qu’on trouvait les « pardas », c’est-à-dire les métisses qui dansaient le tango…. Pour moi, en ce qui concerne les femmes, le désir, le plaisir, il n’y a rien eu de mieux que l’Argentine » Le désir d’être inutile – D. Petitfaux.
« Le Tango argentin ne m’avait d’ailleurs pas fait oublié le jazz…La famille Farias Gomez m’avait appris à jouer de la guitare » Le désir d’être inutile – D. Petitfaux.
A moins que la réponse ne soit encore ailleurs, il semble en effet que lors d’un entretien en 1980 à Milan pour la réalisation de « Pratt 50 », le fond musical mis par Pratt soit une série de tangos argentins chantés par 2 frères et sœurs, Mariano et Marion Faria Gomez….

Un petit mystère de plus dans l’œuvre d’Hugo Pratt qui n’a cessé de dire qu’il racontait la vérité à la manière d’un mensonge…