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Hugo Pratt - Corto Maltese - Rendez-vous à Bahia - Comic Strip
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Hugo Pratt - Corto Maltese - Rendez-vous à Bahia

Comic Strip
Ink
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Case 2
Case 3
Case 4
Case 9
Couverture journal Tintin
Première mise en couleur
2Eme mise en couleur
Xavantès
Geo hors Série Tintin
Musee des confluences 2018
Agrandissement  Exposition Lignes d'Horizons à Bordeaux
Exposition Musée d'Aquitaine Bordeaux 2021

Description

Corto Maltese - planche 4 du 3° épisode "Rendez-vous à Bahia"

Comment

Pratt Hugo, planche 4 du 3° épisode Rendez-vous à Bahia
Dimensions: 36 x 46.8cm
Encre de Chine, stylo Bic (feuillage d'arrière-plan), tous les phylactères d’origine présents
Parution dans PIF n°59 du 7 avril 1970, album Publicness « Corto Maltese » en 1971 et Casterman « Rendez-vous à Bahia » en 1973.
Traduction Anne Frognier - Lettrage André Schwartz.
Achat 2015 entre privés.
Exposition Lignes d'Horizons - Musée d'Aquitaine - Bordeaux 2021-2022

Forcément, tenir dans ses mains une planche d’Hugo Pratt à l’encre de Chine, datant de 1970, d’un épisode de Corto Maltese, en excellent état de conservation et pouvoir se dire qu’elle est pour soi est un immense privilège et une profonde joie. Un rêve accompli.

L’esthétisme global de la planche

D’abord, cette planche est graphiquement splendide. Pratt l’a pensée et réalisée en noir et blanc, il est alors à l’un des sommets de sa carrière graphique et sa maîtrise est totale. Les contrastes d’une case sur l’autre font de cette planche un objet graphique équilibré, les masses sombres alternent avec les détails à la plume et les grandes étendues blanches.
Dans la première partie, le dessin en noir et blanc, avec les effets de contre-jour, fait ressortir la lumière éclatante, le soleil, la chaleur. Cette lumière baissera ensuite peu à peu jusqu’à la dernière case.
La qualité du papier « glacé », resté bien blanc, avec l’encre de Chine renforce ces contrastes qui semblent ne pas avoir bougé depuis 45 ans. Quelques feuillages au Bic rappellent que Pratt utilisait toutes sortes de moyens pour dessiner ses planches. Et au final, la dernière grande case, comme une apothéose.

Une planche qui évoque le personnage et la série Corto Maltese

Sur cette planche Corto est omniprésent. Il est représenté sous toutes les coutures : en pied, en buste, en portrait, de face, de trois quarts, debout, accroupi : une superbe variété de positions. Corto (qui veut dire « rapide » comme le rappelait souvent Hugo) est tel qu’on l’imagine : aventurier en action, qui saute, qui court, qui sort son arme et qui, finalement, s’arrête et écoute. D’acteur, Corto devient alors témoin, passeur de l’histoire. Une planche toute en mouvement qui finit par s’apaiser. « Mon objectif est évidemment de réaliser un dessin très dépouillé, incisif, efficace. Un dessin trop beau, au sens académique du terme, nuit au récit qu’on présente. » Interview Michel Pierre - 1981. Chacune des cases est un petit tableau.

Cette planche permet de cerner une partie de la personnalité de Corto : Corto au grand cœur, qui n’hésite pas à se mettre en danger pour aller secourir l’un des siens, l’aventurier courageux, « au cœur tendre » comme le dit Georges Rieu dans son introduction, mais Corto, également prêt à dégainer, potentiellement violent, sorte de « Dirty Harry » des Caraïbes qui est capable de juger rapidement et d’exécuter sa propre justice. Bref, pas un enfant de chœur non plus. A la fin de l’épisode, il livrera l’avocat Milner, le « vrai » méchant, à Cayenne…. Corto Maltese n’est ni un simple héros, ni un héros simple.

Mais, cette planche m’évoque aussi tout l’univers de Corto. L’action, l’aventure démarre dès la première case, mais s’arrête au bout d’une demi-planche. L’autre aventure, pour laquelle le voyage et la recherche de trésor ne sont que prétexte à la rencontre avec l’autre, l’échange, la tolérance est bien présente dans la deuxième partie. Corto écoute Cayenne, bagnard évadé qui rappelle « Papillon », il cherche la vérité de l’être, il cherche à comprendre. Corto, instinctivement, devient « l’ami » de Cayenne. Son côté libertaire peut-être. Et comme Corto, ainsi qu’Hugo, est fidèle en amitié, il dira à la fin de l’épisode : « Je regrette de le voir partir… mais je suis convaincu qu’un jour nous reverrons Cayenne.». Cayenne, dont les plus beaux portraits sont sur cette planche.

Corto est également ouvert à la rencontre des indiens Caraïbes. Corto, n’a pas de frontière, il se reconnaît dans tous les peuples. Le profond respect d’Hugo pour ces Indiens (comme pour d’autres) est d’ailleurs parfaitement rendu dans leur représentation. Cette dernière composition mise en scène avec 3 indiens de profils sera d’ailleurs reprise par Hugo Pratt à différentes occasions, dont la plus connue est la célèbre couverture en aquarelle de Wheeling datant d’un an plus tard.

Cette planche enfin, permet de voyager dans l’espace et dans le temps. Dans l’espace avec un bout de voilier, de mer, de plage, et l’avancée progressive vers les cocotiers, la végétation plus dense, plus luxuriante, pour finir dans la forêt guyanaise avec les indiens Galibis (ou Caraïbes), dont les chamanes savent lire dans le feu. Bref, un vrai débarquement sur une plage des Caraïbes de sable blanc. Dans le temps, en 1916, avec les évadés du bagne de Saint-Laurent du Maroni…

« Rendez-vous à Bahia » : un épisode clé

Hugo Pratt, en novembre 1969, a 42 ans et se retrouve sans employeur à la suite de l’arrêt de la revue Sergent Kirk. Il repense alors à la proposition de George Rieu, rédacteur en chef de Pif lors d’un déjeuner organisé par Claude Moliterni au festival de Lucca un an plus tôt pour travailler dans ce magazine pour enfant. Pratt racontera avoir imaginé la reprise du personnage de Corto, dans le train le menant de Gênes à Paris. « La Ballade de la mer salée, je l’avais dessiné pour Ivaldi, mais Corto Maltese est né à Pif…Corto Maltese, en fait, c’est avec l’expérience que j’ai acquise durant ces longues années que ce personnage a pris une telle carrure » Hugo Pratt – Entretiens avec C. Moliterni -1985.
Corto Maltese sera l’œuvre de la maturité.

Quoiqu’il en soit, Georges Rieu tient parole et lui permet de créer une série. Grace à lui, Corto Maltese vivra 21 aventures, chacune condensée sur 20 pages. Un bel exercice pour Hugo dans lequel il va exceller. « Rendez-vous à Bahia » est la deuxième histoire publiée par PIF en avril 1970, une semaine après l’apparition du nouveau héros dans son journal. Il s’agit donc du tout début des aventures de Corto, la première planche, titrant « Corto Maltesse » en atteste… La trame de ces premiers épisodes de Pif, Pratt semble y réfléchir depuis quelques années « Oui, je prépare une histoire pour l’Amérique du Sud, un peu politique» raconte Pratt qui est entrain de terminer la Ballade et qui accorde sa première interview pour un fanzine français. Dans cet entretien, le nom de Corto Maltese n’est même pas mentionné... (Interview nov 1968 C. Moliterni pour Phénix 11 -1969.)

Pratt souhaite s’affranchir légèrement des règles et imagine une histoire continue : « Rendez-vous à Bahia » est donc la suite du « Secret de Tristan Bantam ». La rédaction de Pif doit le rappeler à l’ordre pour qu’il imagine ensuite des épisodes séparés. L’histoire est cependant déroutante pour les lecteurs habitués à Rahan et Dr Justice. Elle est multiple, emprunte divers cheminements : ainsi, dans ces 2 épisodes, le lecteur est confronté à l’histoire de la rencontre de Tristan avec sa sœur Morgana, à une histoire de détournement d’héritage par un avocat, d’évadés du bagne au milieu d’Indiens pratiquant le chamanisme et de la recherche du continent Mû. L’histoire est tellement surprenante et complexe pour le jeune lecteur que Georges Rieu doit essayer de s’en expliquer dans un éditorial ! A Pif pourtant, les dessinateurs sont envoûtés par ce personnage hors du commun (voir l’hommage de KAMB, dessinateur de « Couic », deux pages avant l’épisode de « Bahia »)

Pour « Rendez-vous à Bahia », Hugo Pratt pioche dans son histoire personnelle et ses voyages effectués entre 1962 et 1966, entre Brésil, Guyane(s) et Caraïbes. « C’est par l’intermédiaire de Lisboa qu’à Salvador de Bahia j’ai fait la connaissance de la cartomancienne Bouche Dorée qui m’a inspiré pour un personnage de Corto Maltese, et des sœurs Dos Santo, de superbes noires versées dans la magie. Les Dos Santos sont devenues ma famille de Bahia. Avec une des filles Dos Santos, une prêtresse du Macumba, j’ai même eu en 1965 une fille, une belle métisse, Victoriana Aureliana Gloriana Pratt » - (Le Désir d’être inutile – Dominique Petitfaux- 1991). En 1964, il fait même un séjour d’une vingtaine de jours chez les indiens Xavantès au Mato Grosso, d’où naitra un fils, Tebocua. Il y retournera plus tard… « Ce séjour chez les Chavantes fut pour moi une très belle expérience » (Lire et relire « Le ésir d’être inutile » de D. Petitfaux sur cette période). On comprend dès lors son attachement très particulier aux Indiens d’Amazonie, du Brésil ou de Guyane…à tel point que les Indiens qu’il représente ne sont pas des Indiens Galibis mais des Xavantès ! Xavantès que l’on reconnaît à leur collier de coton blanc et au bâtonnet dans les oreilles qu’ils ont le droit d’arborer après l’initiation. Sacré Hugo qui n’hésite pas à déplacer les tribus indiennes de quelques milliers de kilomètres ! Cette anecdote permet de regarder différemment cette dernière case, le regard de Corto porté sur ces 3 indiens majestueux, sans doute des amis auxquels Hugo rend hommage. « Pour ce qui concerne Corto Maltese, je crois que les expériences les plus importantes ont été les brésiliennes, l’amitié qui me liait à certaines familles noires de Bahia, le séjour auprès des indiens Xavantès… » (entretien avec Alberto Ongaro - Europeo 1973)

« Rendez-vous à Bahia » fera ensuite l’objet d’une publication par 2 éditeurs différents, Publicness en 1971 et Casterman en 1973, fait assez rare pour être remarqué. Les deux impressions sont très belles et sont fidèles aux originaux, plus que dans le recueil « Sous le signe du Capricorne » qui paraît ensuite chez Casterman. A noter que la version Casterman 1973 reprend l’histoire en noir et blanc et que la première version couleur, réalisée par la compagne d’Hugo Pratt, Anne Frognier, ne sera publiée que dans la version belge du journal de Tintin n°20 en 1974, la couverture de ce magazine reprenant la case 4 de cette planche. La seconde version couleur, sera réalisée par Patrizia Zanotti.

Publications

  • Sous le signe du capricorne
  • Casterman
  • 03/1979
  • Interior page
  • Hugo Pratt
  • Editori Del Grifo
  • 02/1986
  • Page 82
  • Rendez-vous à Bahia
  • Casterman
  • 01/1973
  • Interior page

See also:   Corto Maltese

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About Hugo Pratt

Hugo Pratt is considered to be one of the greatest among comic artists for his versatile fantasy and use of graphic freedom, and the combination of these factors resulted in very strange stories. In his tales, reality can change into dream and vice-versa, and in this way he took his readers into the strangest lands and even through time. He is thought to be one of the first comic artists to mix literature with adventure. Hugo Pratt has been a great inspiration to comic artists all over the world.