Crux Universalis p6

Crux Universalis
Histoire courte
Planche 6 (sur 7)
Prépublication dans Métal Hurlant n° 6 (01/03/1976)

En album
- Les Humanoïdes Associés, janvier 1982

Références
- Oeuvre selectionnée par Le Fonds Hélène & Édouard Leclerc pour la culture lors de la grande exposition rétrospective sur Enki Bilal en 2021 à Landerneau
- Planche reproduite dans le catalogue de l’exposition, édition MEL juin 2020 (p79)
- La planche passe aussi à 3mn33 sur une présentation YouTube officielle et est commentée par l’auteur
https://youtu.be/eqOENsSC20w
- Oeuvre reproduite dans « Enki Bilal : sublime chaos » édition Casterman février 2022 (p61)

A noter qu'une partie de cet exposé provient de celui de Valérian rédigé pour présenter son magnifique diptyque.

Crux Universalis a donné son nom à une compilation de travaux d’Enki Bilal réalisés entre 1974 et 1981 (des couvertures et quelques histoires)

Le titre correspond au nom de l’ordre religieux auquel appartient le personnage principal de cette première histoire.

Enki Bilal n’hésite pas à recourir à l’anachronisme en transposant dans le futur les réalités du passé, pour raconter de manière indirecte ce qui est contemporain.

Cette histoire est une dénonciation de la montée de l'obscurantisme religieux.

Goraan VIII, grand prêtre galactique et moine guerrier armé d’une épée et d’une volonté farouche semble sortir de l’ordre religieux des templiers. Outre l’épée, le personnage porte également une bannière où figure une croix.

Le reste de la tenue d’inspiration militaire est plus récente et reflète peut-être l’influence de l’ex-bloc communiste dont l’univers de l’auteur porte tellement la trace.

Ce personnage violent et halluciné se déplace dans un univers lunaire, accompagné d’un robot volant, représentant sa conscience, et lui permettant de communiquer avec les dieux.

Ce grand prêtre galactique décapite à tour de bras des démons à son image jusqu’à ce moment fatal d’hésitation dans l’œuvre qui vous est présentée.

La planche suivante, qui est aussi la dernière de cette histoire, montre l’homme nu sautillant dans un splash.. mais est-ce ce fameux démon ? un homme libre ? voire l'âme du grand prêtre réincarnée dans ce corps ? L’auteur laisse le lecteur deviner et déterminer sa propre fin même si on peut inférer que nos propres démons sont avant tout en nous même.

Ce même fondamentalisme religieux sera dénoncé à nouveau par Enki Bilal, dans Le sommeil du monstre, paru en 1998. Album qui décrit par anticipation l'effondrement des tours du World Trade Center.

Cette histoire préfigure ainsi plusieurs thèmes chers à Bilal, qu’il s’emploiera à développer plus tard.

L’auteur né d'une mère tchèque et catholique et d'un père bosniaque et musulman aborde souvent la religion sous l'angle du fondamentalisme.

« L'obscurantisme que je mettais en scène dans « Le sommeil du monstre » était musulman - à cause des talibans -, mais je n'ai pas voulu charger une seule religion. D'abord, parce que l'islam est une religion qui vit sa crise d'adolescence, comme celle qu'a connue le christianisme il y a quelques siècles avec les croisades ou la Saint-Barthélemy. Elle est plus jeune, c'est tout. Ensuite, parce que, selon moi, dans le fondamentalisme, toutes les religions se rejoignent ». Le Point Culture 27/4/2006.

Enfin, graphiquement, les planches de cette histoire courte sont d’une qualité assez remarquable. Enki Bilal est dans la technique du modelé au trait, ombres et reliefs à la plume, proche de la gravure, qu'il utilisera pleinement jusqu’à l’album « Les phalanges de l’ordre noir ». Il s’investit ainsi totalement avec une densité d’encrage impressionnante, et une multitude de hachures avec lesquelles il modèle les reliefs et donne de la profondeur à ses paysages.