Dans la collection de Vertommen
Jijé, Jules-Joseph Pirot, Blanc casque - Illustration page de titre. - Illustration originale
3604 

Blanc casque - Illustration page de titre.

Illustration originale
1955
Encre de Chine
Mine de plomb, encre de chine - Pliures à gauche et à droite du dessin.
25 x 35 cm (9.84 x 13.78 in.)
De la feuille : 250 mm x 350 mm
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Détail.
Détail.
Page titre dans l'album.
Annonce dans le Spirou n°2254.
La généalogie de Jules-Joseph Pirot.
L'auteur, l'abbé Jules-Joseph Pirot vers 1903.
L’Abbé Jules-Joseph Pirot, aumonier militaire des troupes canadiennes pendant la Grande Guerre.
L'auteur, "Robe noire", soit l'abbé Jules-Joseph Pirot au Canada.
L'abbé Jules-Joseph Pirlot avec deux colons hongrois - circa 1905.

Description

Blanc casque - Illustration page de titre.
Mine de plomb, encre de chine.
Dimension (de la planche) : 250 x 350 mm.
Dimension (de l’illustration) : 150 x 120 mm.
Pliures à gauche et à droite du dessin.

Inscriptions / Signatures

Non signé

Commentaire

Dessin plein d’expression et de force dynamique, dotée d'une direction claire pour cette scène dramatique de l’histoire.
Du Jijé de très grande qualitée.

« Blanc casque » a été prépublié, en noir et blanc, dans « Le Moustique », l’hebdomadaire familial des éditions Dupuis, du 14 février au 28 novembre 1954.

Un album, en couleurs, sera édité deux ans plus tard, en janvier 1956, et qui ne connaitra qu’un succès limité car passé injustement inaperçu : à cette époque, le goût était à un Far West manichéen qui opposait les affreux bandits et les héros conquérants.

25 ans plus tard, en 1981 soit un an après le décès de Jijé, il sera post-publié dans le journal Spirou.

Une réédition suivra, en avril 1982, dans la collection « Les meilleurs récits du journal de Spirou ».

Ce dessin sera reproduit, en page 123, dans le livre "Quand Gillain raconte Jijé" publié chez Dupuis en 2014.


Permettez-moi de vous faire revivre une étonnante leçon de modestie et de vie humaine en vous expliquant la genèse et les tribulations de ce chef-d’œuvre tant littéraire que bande dessinée.


Cette bande dessinée est née de la rencontre spontanée de deux natures généreuses et enthousiastes.
Nous parlons bien entendu de Joseph Gillain ( Jijé) et de l’abbé Jules-Joseph Pirot où il sera question de la part créative, du premier nommé, ayant mis le meilleur de lui-même au service du talent narratif du deuxième nommé, étant un missionnaire discret et doué.


L’auteur, l’abbé Jules-Joseph Pirot est d’origine modeste : un père maçon, une mère née de parents inconnus.
Il est le cinquième d’une famille de neuf enfants.
Après son enfance à Gesves, il va étudier au Petit Séminaire de Floreffe, sortant de rhétorique en 1895 avec de beaux résultats.
Ensuite, voulant être missionnaire, il passe 6 ans à Scheut dans une congrégation qui prépare ses novices pour les envoyer en Chine et au Canada.
Par après, il continue chez les bénédictins de Bruxelles où il reçoit les ordres mineurs (1900 - 1901).
Il œuvre quelques années à Namur en donnant des cours de latin. Moment où débute sa carrière littéraire, influencée par le climat social de l’époque (« Les ouvriers trompés » et « Les fils de la sociales »).

En décembre 1903, il arrive au Canada, au grand séminaire de Montréal où il est ordonné prêtre le 3 juillet 1904 dans le diocèse de Saint-Boniface (Manitoba).
Il est immédiatement envoyé dans la Saskatchewan, région englobant les plaines du Nord-ouest du Canada Britannique.
Il va y exercer son ministère autant chez les Indiens que chez les immigrés hongrois, à Kaposvar, à quatre kilomètres de la ville d’Esterhazy. (Ces noms de localité proviennent des lieux de départ des immigrés hongrois qui peuplaient la région).
Il y restera jusqu’à sa mort en 1955, n’ayant fait que de très rares retours au pays natal – qu’il n’oublia cependant jamais.

Il était encore élève du petit Séminaire de Floreffe, quand il écrivit son premier récit wallon « N’avoz nin vèyu nos pourcias ? » (N’avez-vous pas vu nos porcs ?), qui prélude par la technique à « Li farce d’à Rigolèt » dont la manière enjouée rappelle certaines ballades des « Lettres de mon moulin ».
C’est à la veille de quitter l’Europe que l’abbé Pirot fit paraître à Namur, sous l’anagramme de « Porti », un recueil de contes librement inspirés des histoires de « Man-Rôse », sa vieille aïeule.
Les « Fauves d’à nosse vîye mére », de 1903, est une œuvre curieuse à plus d’un titre, notamment par le tour original prêté à une mentalité populaire qui mêle étroitement le surnaturel aux croyances naïves d’un autre temps.

Polyglotte et confessant, excusé du peu … en sept langues, il fut aussi un auteur d’ouvrages en français, anglais et même en hongrois (il rédigea même un catéchisme en hongrois).
En 1937, il devient membre des Rèlîs namurwès (association créée en 1909 et ayant pour but de cultiver, d'encourager et de promouvoir la littérature en langues régionales de la Wallonie ainsi que la connaissance et l'usage de ces mêmes langues), ayant refusé le titre de membre d’honneur.
Lucien Maréchal, dont la petite enfance fut bercée par la lecture des « Fauves d’à nosse vîye mére », s’était mis à la recherche de l’abbé Pirot, l’avait retrouvé et l’avait convaincu, non sans difficultés, de reprendre sa plume wallonne.
Ses nouvelles pages wallonnes ne valent pas, malgré leur intérêt, les « Fauves » de 1903.
Jointes à une secondes édition de ces dernières, elles forment le volume des « Contes d’au lon èt di d’ près », publié chez Duculot en 1950 et dédiés « A tos mès fréres, lès curès dè l’Waloniye ».

« Manque de vocation missionnaire », diront certains de ses supérieurs ; « Révolutionnaires », écrira l’un de ses contemporains au noviciat.
Curieux et attachant personnage que ce fils de maçon de Wallonie, entraînant à sa suite dans la Prairie la plupart de ses proches, bien loin de son cher pays wallon qu’il y a emporté en son cœur plus encore qu’à la semelle de ses souliers.


C’est en 1949, que paraît aux Editions Grands Lacs (qui existent toujours à Namur, Chaussée de Dinant 115), un étonnant roman de 208 pages : « Elle vit : Choses du Canada ».
La famille Gillain, fortement implantée dans la région, dévore cet ouvrage passionnant et la renommée de ce petit livre s’étend vite entre les proches.
Il faut savoir que Jijé, qui est né à Gedinne, petit village d’Ardenne belge, non loin de Givet, vivait dans une famille nombreuse et chrétienne, qui donnera deux prêtres et deux religieuses.

Et il y vraiment de quoi en tirer une bande dessinée de ce livre !
En effet, la langue est superbe, le style est très fluide et les personnages y sont particulièrement attachants.
Situé en 1894, l’action y rebondit sans cesse et une cavalcade de personnages, d’une très grande humanité, sentent la chose vécue de près vu que c’est un récit d'aventures autobiographiques de l’auteur lui-même et de « Blanc Casque », un émigrant hongrois.
Jijé s’enthousiasme à cette lecture et cherche à en connaître l’auteur.

Un long échange de correspondance va naître entre les deux hommes.
Emu, séduit par les possibilités immenses du dessin, l’abbé Jules-Joseph Pirot, « Robe-Noire » à Esterhazy (Saskatchewan, Canada), vit intensément le labeur difficile auquel s’astreint le dessinateur.
Il lui adresse une importante documentation photographique et corrige quelques menues erreurs d’appréciations auxquelles se livre l’illustrateur lointain.
Jijé met l’ouvrage en bande dessinées avec une fidélité scrupuleuse et passionnée.
Il n’en change que le titre *, mettant en valeur le « Choumak », ce « Blanc-casque » légendaire.
Pour le reste, il suit fidèlement la trame, le style, les paroles même de l’abbé Pirot, ne coupant que dans de petites anecdotes parallèles ainsi qu’aux descriptions devenues inutiles grâce au support graphique.


Pour Jijé, au cours de cette année 1953 où il se donne à fond à cette œuvre entre quelques « Bondin et Cirage » humoristiques, c’est le retour aux grandes séries réalistes biographiques.
Don Bosco, Christophe Colomb, Baden-Powell, personnalités hors du commun, l’ont passionné.
Le « Choumak », superbe mélange de force et de faiblesse humaine, vient se joindre à eux.
Le décor canadien l’inspire, il découvre dans la vie de ces émigrés et Indiens une immense richesse sentimentale, une profonde joie de vivre et une énergie solide leur permettant d’affronter avec succès les épreuves quotidiennes.

« Jerry Spring » sera créé peu après et l’humanité des Indiens de cette série doit beaucoup aux contacts passionnés qui ont présidé à l’élaboration de « Blanc-casque ».
De même, cela sera toujours ces mêmes décors canadiens qui seront utilisés pour l’album «La piste du grand nord », sous un scénario de René Goscinny en 1958, sixième volume de ladite série « Jerry Spring ».

L’œuvre commune est une pleine réussite qui va cependant connaître un échec. « Blanc-casque » paraîtra de manière inaperçue, en noir et blanc, dans l’hebdomadaire « le Moustique », au cours de l’année 1954. Un album couleurs, hors collection, reprendra cette histoire en 1956.
Décédé des suites d’une crise cardiaque le 19 septembre 1955, la « RobeNoire » n’aura point le bonheur de voir cette version couleurs. Le public passe à côté de ce chef-d’œuvre.

Cette histoire, boudée par les libraires, de pauvres immigrants, d’une « Robe Noire » et de bons Indiens. Un décor naturel et une mise en scène des difficultés quotidiennes, cela semble bien pauvre à côté des héros en acier de l’époque de l’Ouest légendaire sanglant et des grandes aventures démesurées menées au son du Colt 45.

Artiste précurseur, enthousiaste, emballé, Jijé a frappé trop tôt et trop vite.
Les drames purement psychologiques n’ont pas encore droit de cité. « Blanc-casque » sombrera dans l’indifférence …

Il faudra plusieurs décennies pour que cette BD, en dehors du temps, retrouve son vrai public. Celui, de plus en plus vaste, qui croit en la Nature et en l’Homme, aux charmes de la vie rustique menée hors de ghettos bétonnés de la consommation citadine, à la fraternité qui peut unir les peuples de toutes langues et couleurs.

Jijé, porté par une foi chrétienne et un enthousiasme qui n'était pas feinte (voir entre autre sa production d’ouvrage BD religieuse), aborde dans ce récit, avec une belle force graphique, la délicate question du rapport à la colonisation, l’alcoolisme, la violence conjugale et la tentative d’infanticide (En se rapportant à l’époque … fallait l’oser de le proposer chez le très catholique Jean Dupuis !).
Cette histoire, dessinée par Jijé, est le chaînon manquant reliant ses grandes biographies des années quarante et l’époque américaine de « Jerry Spring ».

Cette une œuvre forte, profonde, humaine. Cette œuvre dans laquelle passe un souffle épique comme peu de bande dessinée en contiennent car les personnages ont une dimension humaine absolument unique et extraordinairement actuelle.
On ne peut qu’éprouver une admiration sans borne pour Jijé, qui en pleines années 50, s’attacha à un roman très en avance sur son temps.
En effet, on ne parlait guère de communion entre l’homme et la nature.
Au contraire, pour faire « moderne », il fallait se demander comment dompter la nature et la soumettre à l’homme.
Dans les films hollywoodiens, les Indiens se présentaient sous l’apparence emplumée d’êtres sanguinaires dont la seule occupation semblait la récolte des scalps, la torture de valeureux pionniers blancs et de déterrement de la hache de guerre.
Généreuse et lucide mise au point, « Blanc casque » est une œuvre qui n’a jamais été aussi vivante et mérite sincèrement d’être découverte, ou à redécouvrir, toutes affaires cessantes … !


* Le titre initial « Elle vit » a un double sens savoureux, désignant à la fois le sauvetage du bébé de Borcza jeté à la rivière ainsi que la présence constante et modeste de la « Robe Noire » aidant et enseignant les défavorisés.
L’ouvrage se termine sur cet acte de foi généreuse : « Que voulez-vous savoir ? … Qui était la « Robe Noire » ? Où est-elle encore … la « Robe Noire » est partout. Et toujours elle vit, elle vivra … ».
Les hommes généreux et les grands créateurs ne meurent point.

Ce dessin fut présenté lors de l'exposition "Jijé tire la couverture", du 02 mars au 4 juin 2006, à "la maison de la Bande dessinée" (Bruxelles).

Je vous engage à consulter les autres œuvres de Jijé se trouvant dans ma galerie 2DG :
www.2dgalleries.com/galleries/joseph-gillain-jije-9188

Publications

  • Blanc casque
  • Dupuis
  • 01/1956
  • Page intérieure
  • Blanc Casque
  • Dupuis
  • 04/1982
  • Page intérieure
  • 1954-1955
  • Dupuis
  • 11/1992
  • Page intérieure

Thématiques


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A propos de Jijé

Joseph Gillain, dit Jijé est un scénariste et dessinateur de bande dessinée belge.Jijé est considéré comme l'un des pères de la bande dessinée franco-belge. Son influence a été décisive sur plusieurs générations d'auteurs, qui ont travaillé à ses côtés, ont parfois été ses assistants ou plus simplement sont venus lui soumettre leurs travaux et ont bénéficié de ses conseils. Jijé reçoit le Grand Prix Saint-Michel 1975 et il est sacré Grand Prix de la ville d'Angoulême en 1977.