Big City: Night Rider - histoire en deux planches

Ma lecture de "New York: Big City" en 86 m'avait enthousiasmé. Je n'avais jamais lu le Spirit et ma rencontre avec Eisner s'est faite par le biais de ces petits récits simples, à l'humour tendre et mettant en scène des gens sans super pouvoirs aucuns. Des histoires pleines d'émotion, parfois drôles, parfois non, toutes basées sur un sens de l'observation qui me rappelait sans cesse Sempé (toi aussi, prononce ces trois derniers mots à toutes vitesse plusieurs fois de suite).
Je me suis rendu compte à cette époque que peu m'importait l'histoire, pour autant qu'on me la raconte bien, et que le graphisme suscite mon intérêt immédiat.
Ces conditions sont réunies chez Eisner pour l'album susmentionné et ses mises en (absence de) cases, son sens de l'épure et sa fluidité de narration continuent à me bluffer.
Les deux planches présentées ici constituent un bon exemple de ce qui précède. Tout est juste. Il n'y a pas une case en trop pour développer cette non rencontre entre un poivrot chantant et un costume-cravate.
J'ai joint en images additionnelles le calque de ces planches, contenant les "textes". On s'y rend compte que dans la deuxième planche, quand le poivrot beugle dans l'oreille du citadin, il ne l'insulte pas: il pousse une dernière fausse note.
Et cette dernière note tremblante et vomissante confine à la perfection. Eisner a gardé sa ligne. Economie de mots, de moyens. C'est tout simplement génial.
Enfin, pour la petite histoire, il y a quelques années, à la galerie 9ème art, j'avais acquis les croquis de ces deux planches, mais les planches n'étaient pas disponibles. Mon ami Bernard (patron de la Galerie, pour ceux qui ne connaissent pas Bernard) ignorait où elles se trouvaient.
Maintenant, je sais, Bernard. Je sais.
Elles sont bien au chaud à la maison.